•          Depuis quelques jours, on est à Samara, au bord du Pacifique avec la p'tite famille d'Emilio, le fils de Mayela. On joue notre rôle de grands-parents avec bonheur : quand Marcelo a trop chaud, quand il a faim ou soif, c'est à ses parents de s'en occuper : normal ! nous, on veut bien le promener, jouer avec lui ou le prendre en photos sous toutes les coutures ! Quoi de plus juste ! On a déjà donné pour les réveils brumeux en pleine nuit et les changes avec paquet-surprise...

        On est à cinquante mètres de la plage, dans des petites maisons simples mais comprenant tout le nécessaire. La vie s'écoule doucement entre balades les pieds dans l'eau, observation attentive des iguanes qui paressent au soleil sur les toits et les terrasses, admiration pour les écureuils grimpant aux cocotiers, contemplation béate des couchers de soleil...

    Coucher de soleil à Samara.

    Il fait entre 25 et 30 degrés ; la mer est douce ; on vous attend ! (Il reste encore des maisons inoccupées).    

           Il existe au Costa Rica au moins trois zones comparables à notre Camargue : un fleuve puissant qui, avant de se jeter dans l' océan, se divise en plusieurs bras enserrant une multitude d' îles ; c'est le cas du rio San Juan au nord-est, du Sierpe dans la péninsule d'Osa et du Tempisque au fond du golfe de Nicoya. Nous sommes allés passer deux jours dans un lodge de cette dernière région ; il est situé à Puerto Humo             Avant d'y parvenir, on vous demande de confier votre voiture à un employé de l'hôtel puis de monter à bord du bateau à moteur qui vous attend sous le Pont de l'Amitié enjambant le Tempisque. Commence alors une balade d'une petite heure au cours de laquelle vous allez serpenter entre les îles. De chaque côté, la forêt dense vient jusqu'au bord du fleuve en prenant la forme d'une mangrove ; on n'aperçoit aucun village. La surface de l'eau est très calme mais on devine qu'il n'en est sans doute pas toujours ainsi... La chaleur de la mi-journée oblige les oiseaux à rester sous le couvert végétal. Puis l'embarcadère de Puerto Humo apparaît ("humo" veut dire "fumée" en espagnol. Le guide nous a expliqué au cours du voyage que, les villages étant si bien cachés dans la forêt, il était nécessaire autrefois de les signaler par des volutes de fumée aux bateaux qui les ravitaillaient).       

            Au sortir du bateau, une "mule" nous attend : il s'agit d'une sorte de petite Land Rover, très utilisée dans les endroits difficiles d'accès ; on se juche sur l'engin qui nous gratifie d'un quart d'heure de "panier à salade" avant d'arriver à destination.     

             Le premier jour, tôt le matin, on a fait une excursion sur le fleuve pour observer les animaux. Le guide est originaire du village même et connaît bien son sujet. Nous laissant glisser au fil de l'eau, on s'arrête d'abord devant la bien-nommée "île aux oiseaux". On n'a pas le droit d'y aborder ; seuls, les scientifiques viennent une fois par an y faire des comptages. Novembre-Décembre est l'époque où les oiseaux construisent leur nid : cette charge incombe pour la plus grande partie au mâle ; le plus intéressant est qu'ils vont chercher les matériaux nécessaires en dehors de l'île (pour ne pas abîmer leur lieu de vie en quelque sorte) ; on assiste ainsi à un ballet incessant accompagné de sons plus ou moins mélodieux. Saison sèche ou humide, les oiseaux choisissent le versant de l'île le plus abrité du vent et de la pluie. En fait, le seul danger qui les guette est au sol, tapi dans la végétation du bord de l'eau, semblable à un vieux tronc oublié : monseigneur Crocodile ! Il est patient, très patient mais dès lors que l'oiseau se pose en étourdi à proximité, il n'a pratiquement plus aucune chance... Dans l'eau, le saurien passe encore plus inaperçu : de légères rides apparaissent parfois à la surface de l'eau ; puis un V se forme quand il se déplace ; seule alors se distingue la protubérance des yeux : il est "caïman" invisible le crocodile chasseur. Récemment, leur nombre ayant fortement augmenté, ils se sont mis à dévorer leurs petits : autre façon de voir le contrôle des naissances...    

          La quantité d'oiseaux différents qu'on rencontre dans cette zone est proprement surprenante :

    Garça au décollage.

     Enormes jabirus pensifs qui se reproduisent uniquement sur cette île, garcetas blanches qui prennent une couleur gris-bleu en vieillissant, jacanas délicates, grandes garcetas au cou si tordu qu'on se demande comment elles font pour avaler le poisson, garcillas vertes aux couleurs exhubérantes, grands anhingas noirs au bec redoutable en forme de dague effilée chassant le corps entre deux eaux, grands martinets à la tête blanche et noire aux dessins impressionnants, blanches cigognes d'Amérique dont on découvre les plumes noires quand elles s'envolent, ibis blancs au long bec rouge, pijijes grégaires volant à la manière de nos cols-verts, caraos couleur café criant comme un pneu qui crisse sur l'asphalte, minuscules colibrís aux tons bleus-verts plongeant tête la première dans les fleurs de la mangrove, élégantes spatules roses... 

    Spatule rose.

     

           Les oiseaux ne sont pas les seuls habitants de ces îles parsemant l'estuaire du Tempisque : en plus des crocodiles, qui ont déjà mobilisé notre attention, on peut y rencontrer des serpents bien sûr (que nous n'avons pas cherché à déranger...), quelques rares cochons sauvages (décimés par la chasse locale, bien qu'interdite), des iguanes enfin. Ces petits monstres préhistoriques commençaient leur période d'accouplement ; pour attirer les sept ou huit femelles qui vont avoir recours à ses services, Monsieur se met en habit d'apparat : son corps, d'habitude verdâtre, prend peu à peu toutes les teintes orangées possibles ; positionné bien en vue sur une branche basse au-dessus de l'eau, il attend que Madame se manifeste... Mais si c'est vous qui vous approchez, vous pouvez être sûr qu'il va montrer son désappointement par des hochements de tête ; n'insistez pas : vous ne lui ferez pas prendre des vessies pour des lanternes...       

           Le lendemain, on est réveillés par les cris gutturaux des singes congos cachés dans les arbres de la forêt voisine et les beuglements des vaches de la ferme d'à-côté. Pas grave ! on a rendez-vous à 7h avec Alexander pour faire une balade en "mule" sur les digues de la zone humide du domaine. Quand le maître des lieux est arrivé sur place, on ne pouvait s'y déplacer qu'à cheval et, parfois, en ouvrant son chemin à la machette. Les 1 000 ha étaient couverts de mauvaises herbes et ressemblaient à des marécages. Peu à peu, bien aidé par les campesinos du coin, il a assaini le terrain : en retirant le maximum de terre des marais, il a créé des digues pour séparer ses différentes parcelles (aujourd'hui, elles représentent un total de 27 kms ! ) puis, sacrifiant les zones les plus basses, il les a inondées par l'eau en excédent qui arrive par un réseau de canaux des parties plus hautes. La tâche fut ardue mais le résultat est là : un paysage magnifique alternant les prés où paissent tranquillement vaches et taureaux et les grandes étendues d'eau miroitant au soleil.

     PUERTO HUMO : zones humides

    On y a vu pratiquement les mêmes oiseaux que la veille : la seule différence est qu'ils viennent ici pour pêcher, se nourrir et non pas nicher ou couver. Ainsi a-t-on pu observer longuement la technique de pêche de l'anhinga, une espèce de cormoran qui fait bien ses 70 cm d'envergure : vous ne voyez de loin qu'un cou prolongé d'une tête pointue qui disparaissent à votre approche ; il s'est complètement immergé à la recherche d'une proie qu'il va transpercer de son bec effilé ; il peut rester sous l'eau plusieurs minutes et ne ressortira jamais là où vous l'attendez ! seul, un gloup vous avertira à nouveau de sa présence derrière un massif d'herbes aquatiques. Cette zone est aussi habitée par les caïmans : vous ne les voyez pratiquement pas ; vous les devinez : à la masse d'eau mise en mouvement quand ils plongent et au bruit ! Le guide nous a précisé que le moment où on pouvait le plus facilement les voir était la nuit : ils adorent, parait-il, venir s'allonger sur les digues pour profiter du clair de lune... Beaucoup plus inoffensifs, on a aperçu de loin dans les hautes herbes, des venados (espèce de chevreuils à la queue blanche) et des cochons sauvages qui s'enfuyaient à notre aproche : il est vrai que la "mule" fait un tel boucan qu'il nous fut bien difficile de rester discrets ; la prochaine fois, nous opterons pour le cheval ou la marche à pied.


    6 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires