Blog d'un Français qui, grâce à sa compagne costaricaine, découvre ce pays et vous le raconte,vivre au Costa Rica,couple mixte,protection de la nature,tourisme des seniors,randonnées en Amérique centrale,culture,réserves naturelles et parcs nationa
Avez-vous déjà écouté "Stairway to heaven" de Led Zeppelin en plein coeur de la jungle ? ...eh bien, moi, oui !
Nous sommes assis par terre, en tailleur ; le plancher de la pièce est recouvert de tapis ; ses murs et son plafond disparaissent sous de grandes photos des groupes de rock des années 70 : Deep Purple, Led Zeppelin et autres Scorpions. Dans un angle, un Boudha inattendu pose son regard bienveillant sur les visiteurs. Il se dégage du lieu une impression quasi mystique : sa religion en est la musique. Placé au coeur de la maison, ce salon de musique devient le choeur de cette église sauvage. Pour l'heure, s'en élèvent les notes que laisse échapper le guitariste, juste soulignées par un trait de flûte : divin !...
Cinq ans. Cinq ans que je rêvais de découvrir la Péninsule d'Osa, le coin le plus reculé du Costa Rica, son ultime frontière, avec son cortège de mystère, de fantasmes et d'histoires invérifiables : elle est le dernier refuge du jaguar et... des chercheurs d'or, ni plus ni moins.
L'occasion s'est présentée quand nous avons rencontré Juan, un grand gaillard péruvien. Agronome de formation, il aidait les paysans sans terres à faire valoir leurs droits : les mafias locales l'ont obligé à fuir pour sauver sa peau. Une fois en sécurité au Costa Rica, il conseilla pendant dix ans les paysans d'Osa : c'est ainsi qu'il rencontra Alfredo, un Tico installé là depuis les années 80.
A cette époque, aucune route asphaltée ne traversait encore la péninsule, seulement quelques pistes en terre transformées en bourbiers à la première pluie. Ceux qui s'y risquaient étaient aventuriers, brigands, chercheurs d'or ou déshérités de tous poils. Le gouvernement décida donc d'attribuer des concessions à tous ceux qui, assez fous, se présenteraient pour habiter les lieux : le droit leur était donné de défricher quelques hectares pour y pratiquer des cultures vivrières en échange de l'obligation de veiller à la protection de 40 ha de forêt autour.
Alfredo devant l'entrée de sa propriété "PARAISO VERDE".
Cet "arrangement" permit de créer tout autour du Parc Corcovado proprement dit comme une sorte de cordon sanitaire : un espace "tampon" entre les zones habitées (devenues très touristiques aujourd'hui) et celles qui se devaient de rester sauvages pour protéger tapirs de Baird, pécaris, ocelots, et j'en passe...
A gauche, le Parc National Corcovado,
à droite la propriété d'Alfredo.
Alfredo n'a pas toujours vécu dans la jungle ; durant sa jeunesse, il fut même batteur dans un groupe de rock. Mais, du plus loin dont il se souvient, il a toujours été attiré par la vie mystérieuse de la forêt. Il n'a réalisé son rêve qu'après avoir brûlé ses vingt ans par tous les bouts.
Aujourd'hui, il nous attend au poste des gardes forestiers de Los Planes : on est venus de Bahia Drake dans le Galloper de Bolivar qui garde un calme olympien au milieu des ornières de la piste. Alfredo transfère rapidement dans son sac à dos les victuailles que Bolivar a achetées pour lui "en ville" et on se met en route.
Le sentier que nous empruntons c'est lui qui l'a tracé dans la forêt à coups de machette : un mètre de large tout au plus, des parties en "escaliers", coupé par deux rios à traverser ; nous mettrons deux heures pour faire les quatre kms qui nous séparent de sa maison.
Il faut préciser aussi que notre guide s'arrête fréquemment pour nous détailler les différents usages des plantes rencontrées, nous alerter sur la nécessité d'enjamber la colonne de fourmis qui, imperturbablement, traverse notre sentier ou attirer notre attention sur la signification des grognements perçus au loin : des singes hurleurs mâles désireux de montrer leur niveau de testostérone à leur bimbo locale...
La maison, en bois bien sûr, est posée à mi-pente au milieu d'une clairière de deux hectares qu'Alfredo a conquis sur la forêt. La partie centrale est occupée par la cuisine, la salle de bain et le salon de musique ; le balcon qui en fait le tour sert aussi de salle à manger, en compagnie des colibris. Une rivière coule sur deux côtés de la parcelle.
Que peut-on faire, loin de tout,
à PARAISO VERDE ?
Explorer la forêt, c'est sûr. Mais avant de s'engager sur les sentiers, il vaut mieux s'équiper en conséquence. Les chaussures ? je pensais que de bons gros godillots montants suffiraient : au premier passage de rivière, j'ai commencé à avoir des doutes ; et le jour où on a vu se faufiler dans les herbes un boa d'un mètre cinquante, j'ai convenu définitivement que les bottes recommandées par Alfredo étaient mieux adaptées... Le bâton ? quasi indispensable : sans négliger son utilisation possible en cas de mauvaise rencontre animale, il faut bien dire que son appui sera surtout le bienvenu quand il faudra franchir les accidents du terrain ou éviter les glissades surprises. La bouteille d'eau ? on n'a pas toujours conscience des efforts demandés par une marche dans un environnement chaud et humide ; j'ajouterais que, parfois, une boucle prévue pour durer une heure peut se révéler longue "comme un jour sans... eau" !
Manger ? vous vous en doutez bien, on ne vient pas ici pour goûter à la cuisine la plus raffinée du Costa Rica... Il n'empêche qu'Alfredo s'y entend pour concocter des plats qui "tiennent au corps" en privilégiant les fruits et légumes produits sur place, aromatisés avec les herbes qu'il trouve dans son environnement. Précision intéressante : étant donné qu'Alfredo est obligé d'apporter à dos d'homme tout ce qu'il ne produit pas, si vous-même apportez une partie de ce que vous allez manger, vous aurez droit à une réduction sur votre hébergement.
Visiter les deux hectares du jardin :
Après avoir cultivé du riz, du maïs et des pois chiches pour assurer sa subsistance, Alfredo a décidé, depuis une bonne dizaine d'années maintenant, de passer à autre chose. Il s'est mis en tête d'implanter sur ses deux hectares de forêt défrichée un exemplaire au moins des arbres fruitiers poussant sur la ceinture tropicale du globe terrestre... Par chance, il a découvert près de San Jose un pépiniériste qui a eu l'idée d'importer ce type d'arbre. Aussi, chaque fois qu'il vient voir son frangin dans la capitale costaricaine, il repart avec quelques arbustes nouveaux ; et de nous raconter les inévitables marchandages avec les chauffeurs de bus pour faire voyager ses encombrants compagnons ! Il a ainsi rapporté dans ses bagages des citronniers et des orangers (jusque là rien de très original) mais aussi des plantes aromatiques ou ornementales, des pamplemoussiers, des arbres à pain (?), des cas, des guavas, des guanabanas, des pejibayes... dont la provenance résonne comme autant d'invitations au voyage : Brésil, Madagascar, Inde, Chine, Indonésie, Philippines...
Se baigner dans un jacuzzi naturel :
Au fond de la propriété d'Alfredo coule une rivière. Sur son parcours, celle-ci rencontre avec force des roches volcaniques qu'elle a creusées au cours des siècles. Ainsi sont apparues plusieurs "baignoires" où l'eau tourbillonne. La vitesse du courant fait que l'eau y est "fraîche" et on hésite un peu avant de s'y plonger... Le premier moment de surprise passé, le plaisir procuré par l'eau qui vous masse est délicieux. Et rien de tel pour vous revigorer en fin de journée après avoir longtemps marché en forêt !
Bavarder : sans doute parce qu'il reste parfois des jours sans voir personne, Alfredo adore parler, de tout et de rien. On a ainsi passé des heures pour comprendre ce qui le faisait "tenir" ici depuis trente ans, car enfin venir faire un petit tour dans la forêt puis repartir vers son confort c'est à la portée de tout un chacun, mais y demeurer jour après jour, qu'il pleuve des trombes d'eau parfois, qu'il faille apporter à dos d'homme la moindre bricole nécessaire pour vivre, que la conscience des risques soit intégrée à chaque acte de la vie, ça c'est une autre paire de manche !... Alfredo explique alors tranquillement que nous avons tous un rôle à jouer sur Terre et que le sien est de protéger ce coin de forêt ; il est conforté dans cette idée par le fait que rien de grave ne lui soit arrivé, qu'il a toujours su réagir à temps pour redresser une situation périlleuse : il est donc fait pour le rôle !
Je crois qu'il aime par dessus tout que le jour qui vient soit différent de la veille. Jusqu'à dix heures, il ne prend aucune décision ; il est disponible : si les gardes forestiers de la station Los Planes l'appellent sur sa radio pour lui annoncer que des gens souhaitent venir passer quelques jours chez lui, il se met en route sans tarder pour aller les accueillir ; sinon, il reste pour soigner ses arbres fruitiers, réparer son toit ou... écouter de la musique.
Quand, naïvement, je lui ai proposé de faire plus connaître son projet de vie tant il me paraît original, il a souri et m'a sorti ses Livres d'or où on peut constater que, depuis vingt ans, on vient lui rendre visite depuis tout le continent américain, bien sûr, mais aussi d'Europe, d'Israël, de Russie, de Chine... et cela uniquement par le "bouche-à-oreille". Il ne veut en aucun cas voir débarquer dans son petit paradis des ribambelles de touristes qui viendraient ici comme on va à la fabrique de souvenirs. Il souhaite que chaque visiteur ait préparé son séjour chez lui, se soit posé des questions sur ce qu'il allait y faire et, accessoirement, qu'il ait sué sur le sentier !
POUR LE LIVRE D'OR D'ALFREDO
Un rockero viviendo en la jungla ?
es posible !
Un sembrador de ideas nuevas de 58 anos ?
claro que si !
Un hombre que tiene sus dos piés en la tierra de su finca forestal y la cabeza en las estrellas ?
sé donde hay uno !
Un sabio con 30 anos de experiencia trabajando con la energia de sus 20 ?
lo encontré !
Vive en su PARAISO VERDE.
Que suerte tengo de conocerle !
INFOS PRATIQUES :
Vous l'aurez compris, Alfredo ne veut pas qu'on divulgue son numéro de portable (si, si, il en a réellement un ! mais qui n'accroche une antenne que lorsqu'il sort de ses 45 ha de forêt...). Si vous souhaitez lui rendre visite, faites-le moi savoir par le formulaire de contact du blog en précisant la date, la durée du séjour sur place, le nombre de personnes ; ajoutez-y quelques mots sur vous-mêmes et les raisons qui vous donnent envie d'y aller (ce n'est pas une lettre de motivation, mais presque...). Je le contacterai alors pour savoir ses disponibilités.
Au départ de San Jose :
Bus TRACOPA (site web : www.tracopacr.com), Tél. 2221-4214, Calle 5, entre les Avenidas 18 et 20. Prix du billet : 6 000 colones. Départ à 5h du matin, arrivée à Palmar Norte à 11h30.
Taxi colectivo pour rejoindre Sierpe : le prendre devant la Villa Chica, 2 500 colones par personne, 30 mn.
Bateau à Sierpe pour Bahia Drake : sur le quai, demander Elijio ou Rafa ; 7 500 colones, 1h30 de trajet. Il n'y a pas de quai à Bahia Drake : se mettre en short ou remonter son pantalon car on débarque à quelques mètres de la plage.
Chercher, devant la pulperia, le Galloper bleu nuit de Bolivar, petit homme sympathique, pour aller jusqu'à la station des gardes forestiers de Los Planes : 12 000 colones pour deux, 1/2h de piste.
Alfredo vient accueillir ses visiteurs à la station.
Coût du séjour (Tout inclus : accompagnement aller/retour, hébergement en tente 2 personnes avec moustiquaire sur plate-forme bois, nourriture, guidage à volonté, conversation espagnol/anglais) : 20 à 25 000 colones par personne et par jour ; en fait, cela dépend de la quantité de victuailles que l'on peut apporter avec soi ; à négocier à l'avance avec Alfredo.