Blog d'un Français qui, grâce à sa compagne costaricaine, découvre ce pays et vous le raconte,vivre au Costa Rica,couple mixte,protection de la nature,tourisme des seniors,randonnées en Amérique centrale,culture,réserves naturelles et parcs nationa
Aujourd’hui encore, à l’ère de la technologie avancée et du passeport biométrique, des hommes et des femmes, libres comme l’air, passent d’un pays à l’autre sans présenter aucun papier, perpétuant ainsi des habitudes ancestrales : ils ne le font pas pour braver la loi mais parce que, pour eux, les mots "frontière" et "pays" ne veulent rien dire. La scène qui, pour moi, visualise cet état de fait est la suivante : on vient de faire une randonnée côté atlantique, près de la frontière avec le Panama, sur les contreforts de la cordillère de Talamanca ; assis sur des pierres au bord d’une rivière, on casse la croûte ; absorbés par notre activité "physique", on ne les a pas entendus ; et pourtant ils sont là, sur le sentier tout près de nous, arrivant silencieusement. Comme on les salue, ils s’arrêtent pour nous répondre. Ils ne portent pas les habits traditionnels mais, presque comme vous et moi, pantalon, longue robe, T-shirts et… bottes (à cause des serpents !). La femme reste un peu en retrait et ne parle pas. L’homme semble avoir une petite quarantaine d’années et s’exprime en espagnol, avec douceur. On apprend qu’ils sont venus ici pour vendre leurs produits et qu’ils vont marcher six heures, "avant de rentrer chez eux", dit-il en montrant la montagne côté panaméen. Sans s’attarder en paroles inutiles, ils repartent d’un pas tranquille sur le sentier qui disparaît dans la forêt. Aucun de nous ne s’est hasardé à leur apprendre qu’ils commettaient un acte puni par la loi en franchissant ainsi la frontière : leurs ancêtres, les guerriers Bribris, ont été chassés de la belle plaine fertile de Limon et repoussés dans ces rudes montagnes par les conquérants espagnols, alors nos lois et nos frontières…
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Mais commençons par le début, flash-back ! après trois mois de séjour au Costa Rica, il faut sortir trois jours du pays si on veut pouvoir y séjourner à nouveau trois mois (sympa comme règle et facile à respecter : les lieux à visiter ne manquent pas dans la région !). Nous avions donc décidé d’aller à Bocas del Toro au Panama : les îles et la mer caribéenne pour le farniente, la forêt pour marcher. Le passage de la frontière se fait côté Atlantique, à Sixaola, de façon un peu artisanale (si on compare à Paso Canoas, côté Pacifique) : peu d’officiels, et pas toujours surchargés de travail !, pas de files interminables de camions, bus ou 4X4, et un franchissement de frontière folklorique, par l’intermédiaire d’un pont bois-métal jeté sur le rio, en faisant attention où on met les pieds tellement les planches sont disjointes. Par contre, la bureaucratie moderne y a conservé tous ses droits : une heure et quart pour faire 300m, des papiers à présenter ou à remplir, des taxes d’entrée ou de sortie à acquitter.
Pour nous reposer du voyage en bus (9h depuis San Jose… que le métier de touriste est pénible !), nous avons choisi de commencer par une visite à Bocas del Toro qui se trouve sur l’île Colon : la traversée en ferry depuis Almirante prend 2h ; vous avez bien le temps d’admirer les lanchas rapides qui, ne vous laissant qu’un sillage d’écume, emportent en trois fois moins de temps les ricos protégés des embruns par des bâches colorées. Bocas est une petite ville qui a conservé beaucoup de charme : maisons en bois aux couleurs ensoleillées, rues où l’on peut flâner l’oreille enchantée par des rythmes musicaux changeants, restos laissant échapper des effluves salées-sucrées. Après avoir entendu parler d’une plage magnifique dans le nord de l’île, on se met en quête d’un transport public, mais il nous passe sous le nez, plein à ras bord, car ici les gens du cru ont la priorité sur les touristes (pourquoi pas ? eux, ils travaillent) ; ce n’est pas grave puisqu’un taxi collectif arrive comme par enchantement pour nous "cueillir". Serrés comme des sardines, nous voilà partis à tombeau ouvert sur une piste en terre ; on a beau dire qu’on est en vacances, qu’on a tout notre temps, le roi du pick-up fou veut nous montrer qu’il est le meilleur ; voyant à quel genre de zèbre on a affaire, je verrouille la porte de mon côté parce que, dans les virages… je cherche aussi la ceinture de sécurité, vainement. Mais voilà qu’apparaît le minibus parti avant nous : c’est vrai qu’il se traîne, le mec ! et le nôtre va bien être obligé de ralentir… Penses-tu, il lève à peine le pied et le laisse sur place dans un nuage de poussière ! Après 15 kms de mauvais traitements, on est contents de retrouver la terre ferme. L’endroit s’appelle la playa del Drago (si les dragons vivent toujours dans des endroits pareils, je veux bien passer le reste de mon existence à leur tenir compagnie) : palmiers bruissant doucement au vent, plage de sable couleur crème que l’on peut voir encore s’étendre mollement sous l’eau transparente, une vraie carte postale dans laquelle il nous a été bien agréable de faire la planche.
Le lendemain, changement de décor : on a "notre" Rendez-vous en terre inconnue ! Depuis que je viens traîner mes guêtres dans le coin, je rêve de rencontrer des Amérindiens : ce sont les descendants des peuples qui vivaient ici quand débarquèrent les conquistadors ; ils ne représentent plus que 5 à 10% de la population et vivent dans des endroits reculés, plus ou moins bien traités suivant le pays auquel ils appartiennent. Aux abords de notre hôtel, comme toujours, allaient et venaient des rabatteurs : l’un se dit "spécialisé" dans les excursions pour aller voir les baleines ou les dauphins au large ; l’autre vous assure que sur son bateau vous pêcherez des poissons grands comme ça ; mais nous, ce qui nous enchanterait ce serait de rendre visite aux Guaymi : ils vivent de part et d’autre de la frontière avec le Costa Rica. Et là, après quelques réponses dubitatives ou regards franchement incrédules (Vous croyez que ça va être intéressant ? vous savez, je suis du coin et je n’ai jamais pu y aller), on tombe sur un type qui cherche des clients pour un "tour du cacao" : ça c’est impeccable parce que, justement, les Guaymi sont parmi les initiateurs de la culture du cacao dans la région ; on lui explique donc que son tour du cacao on est prêts à le faire mais chez les Guaymi ! il ne lui reste plus qu’à nous trouver un "contact"… et le mec de s’activer avec son portable, mettant à contribution famille et amis (pendant ce temps, nous, bande d’égoïstes, on mange !). Il finit par l’avoir son numéro (déjà ça, pour nous, c’est une découverte : les Guaymi ont des portables !) mais il est sur messagerie : comme c’est la St Valentin, un petit malin glisse que "Tal vez, el maje esta en la cama con su novia" ; Pablo, le rabatteur, apprécie modérément… On se quitte sans "contact" mais : "Vous verrez, demain à 9h il sera là".
Promesse tenue ! Il est là, devant nous, tout sourire : Mauricio, la cinquantaine, habillé comme vous et moi, parle un espagnol parfait ; il nous explique qu’hier il avait laissé de côté son téléphone parce que c’était l’anniversaire de sa fille (voilà au moins quelqu’un qui a du savoir-vivre en famille !). Il a déjà appelé un taxi de sa connaissance qui nous attend en bas de l’hôtel ; on prend la route en direction de David puis, après une dizaine de kms, un chemin goudronné sur la droite qui s’enfonce dans une vallée herbeuse et boisée. De temps en temps, on aperçoit quelques maisons en bois brut et des gens qui s’activent puis à nouveau un calme paisible et la nature dans toute sa splendeur : végétation exubérante et très verte, beaucoup d’oiseaux voletant sans crainte près de nous. Puis la vallée se resserre et apparaît le "village" : quelques maisons sur pilotis placées ça et là dès les premières pentes à droite, deux constructions plus importantes en ciment (l’école et le foyer communal) et quelques parcelles de type "jardins". Mauricio commence par nous fournir un solide bâton car il va falloir maintenant gravir peu à peu la colline escarpée où sont plantés les cacaoyers, et le terrain se révèlera glissant par endroits. Au fur et à mesure de notre progression, il s’arrête pour nous montrer telle plante dont les feuilles par simple application diminuent l’inflammation due aux piqûres d’insectes ou telle autre qui, si on en mâche régulièrement, empêche la formation d’aphtes dans la bouche. Il nous apprend aussi l’usage particulier que font les Guaymi de l’indio desnudo, arbre très connu dans la région, qui se débarrasse de sa première écorce tendre à une certaine époque de l’année (et par la même occasion des insectes éventuels qu’elle héberge) : ces Amérindiens récupèrent la 2è écorce, plus dure, et l’utilisent en infusion pour diminuer leur taux de cholestérol ! puis, surprise : devant un tiquisque aux feuilles en forme de cœur, il nous apprend qu’elles feront partie du repas à la fin de la visite…
Après ces propos en forme d’apéritif, il en vient à nous conter par le menu comment se pratique la culture du cacao et là, dès le début, une constatation s’impose à moi qui vis dans une région vinicole : même importance du terroir pour obtenir la saveur désirée, même goût pour le travail bien fait en vue de diminuer les risques de maladies, même conscience fière d’avoir acquis un savoir-faire précieux au cours des siècles.
En effet, dès leur arrivée ici, les Espagnols découvrirent que cette boisson se consommait lors de fêtes religieuses pour honorer les dieux (d’où le nom de "bebida de los dioses") ; ils l’assimilèrent à une fontaine de jouvence éternelle et l’importèrent en Europe. Bien avant eux, les Amérindiens avaient perçu l’intérêt de cultiver les cacaoyers puisqu’ils utilisaient les fèves du fruit comme monnaie dans leurs échanges commerciaux. A une époque plus récente, presque toutes les terres d'Amérique centrale pouvant produire du cacao tombèrent peu à peu sous la coupe de grandes entreprises nord-américaines qui développèrent une production plus intensive ; mais le cacaoyer s’y prête mal : c’est une plante fragile qui a besoin de soleil (mais pas trop et pas trop fort, sinon il sèche sur pied) et d’eau (mais quelques heures par jour seulement sinon il développe champignons et maladies). Après avoir tenté en vain de régler par des moyens agro-chimiques les problèmes induits par ce système productif, ces multinationales abandonnèrent la partie à la fin de leur contrat de concession. Et les petits propriétaires locaux purent reprendre cette culture ancestrale avec leurs règles : espacer les cacaoyers pour favoriser une bonne circulation de l’air, maintenir une végétation peu haute au sol pour réduire l’évaporation tout en évitant l’érosion, planter ça et là d’autres arbres plus grands pour protéger les cacaoyers du soleil et attirer les animaux (comme les singes, les chauves-souris, les insectes) qui, eux aussi, raffolent du cacao ! Le succès est au rendez-vous, même si toutes les maladies apparues avec la culture intensive n’ont pas disparu : Mauricio nous apprit que la production de sa communauté était vendue jusqu’en Suisse…
La fabrication du cacao commence par la récolte des cabosses mûres (fruits de forme oblongue aux couleurs variables) : ells contiennent des rangées de grosses fèves, enveloppées d’une chair au goût suave ; on extrait le tout pour le faire fermenter quelques jours sous un manteau de feuilles ; puis vient le séchage en plein soleil qui dure une petite semaine et permet de séparer facilement la chair de la fève (C’est à ce stade que Mauricio et sa communauté vendent leur production) ; pour nous permettre de goûter son cacao, sa femme fit torréfier des fèves dans une poêle sur un feu de bois : le goût est très amer. Pour obtenir un "chocolat" 100% cacao, elle écrasa avec une grosse pierre ronde les fèves torréfiées placées dans une autre pierre concave (énorme celle-là !), ajouta un peu de lait en poudre ( !) et de sucre ; la pâte obtenue était moelleuse avec quelques pépites plus amères, un délice !
Le cacao des Guaymi du Panama ( Pierre MARCET avec Vimeo).
Après le repas, constitué de poulet, de tiquisque et d’igname, nous avons passé une partie de l’après-midi avec Samuel, l’initiateur du "Tour du cacao" et l’un des membres les plus actifs de la communauté. Il nous fit part du désintérêt du gouvernement panaméen pour les premiers habitants du pays : à un niveau très "terre-à-terre" (si on peut dire), on peut constater que, dès la sortie du village, le chemin n’est plus goudronné et se transforme en ornières à la première pluie ; à un niveau plus culturel, force est de constater que la langue traditionnelle n’est pas enseignée dans les écoles. Il nous précisa par ailleurs que les bénéfices générés par le tourisme sont affectés à l’éducation, à la santé, à des projets collectifs et aux personnes ayant concrètement participé à l’accueil des touristes. Nous avons été émus par ces gens qui cherchent des solutions originales pour améliorer leur niveau de vie tout en respectant soigneusement la nature qui les entoure et qui se sont organisés solidairement pour inciter le plus grand nombre à y participer.
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POUR RENDRE VISITE aux GUAYMI du PANA MA :
_ On les appelle aussi Ngöbe ; leur village, RIO OESTE ARRIBA, se trouve à quelques kms d’ALMIRANTE, sur la droite de la route qui va à DAVID.
_ Il vaut mieux passer par un guide officiel qu’ils connaissent pour faciliter le contact : s’adresser à l’hôtel La Preferida à Almirante ; demander Pablo Quintero. On peut aussi le contacter par téléphone : (00 507) 63 72 76 57, portable ou 758 3446 (COOPEGUITOUR : Bureau des guides de tourisme de Bocas del Toro, Panama) ; par mail : rey198917@hotmail.com ; il a aussi un compte Facebook.
_ Numéro de téléphone de Mauricio, notre guide guaymi : (00 507)69 64 11 46
_ Numéro de téléphone de Solomon, qui s’occupe de faire connaître leur Association OREBA sur Internet (Facebook, Tripadvisor, etc…) : (00 507) 66 49 14 57
POUR EN SAVOIR PLUS sur les GUAYMI :
http://www.hablayapanama.com/fr/ecotourism/bocas-del-toro/cacao-plantation-tour/ (avec traduction en français)
http://www.tripadvisor.com.mx : puis demander « oreba chocolate tour »
http://es.wikipedia.org/wiki/Ngöbe
http://www.barublackmountain.com