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De droles d'oiseaux : Colibris, Quetzals et ... Hommes politiques !
Les Ticos aiment bien fêter l'arrivée du Nouvel An avec force pétards et feux d’artifice de toutes sortes ; d’ailleurs, chaque année, se produisent des accidents parce que, en cachette, le petit dernier a voulu faire comme Papa ou parce que le Paternel en question avait un sérieux coup dans l’aile quand il a allumé la mèche… Innovation de l’année, ils ont aussi lâché de ces boules de papier, d’origine chinoise je crois, que vous connaissez certainement (moi, qui ne sors jamais de ma campagne, ne savais même pas que ça pouvait exister) mais faites comme si… et dans ce cas je peux vous expliquer : une bougie allumée est fixée sur le support suspendu sous la « montgolfière » de papier ; la chaleur et le vent font rapidement monter l’ensemble à l’assaut du ciel, mais arrive le moment où la flamme attaque le support puis dévore la sphère de papier : tombe alors une pluie d’étincelles et tout le monde applaudit.
Deux amies espagnoles sont venues passer trois semaines au Costa Rica ; nous les avons emmenées à la recherche du quetzal, l’oiseau mythique de l’Amérique centrale, déjà vénéré par les Aztèques comme par les Mayas.
Départ de San Jose aux aurores, direction le Cerro de la Muerte, un des plus hauts sommets de la Cordillère de la Talamanca ; ce lieu s’appelle ainsi parce que, avant que n’y passe une route digne de ce nom, il était le théâtre d’attaques à mains armées sanglantes ; aujourd’hui, il reste dangereux pour les innombrables virages qui le parsèment. A six heures et demie, nous arrivons à Macho Gaff, un petit village de montagne perdu sur l’Interaméricaine, cinq kilomètres avant El Ojo de Agua (point culminant du Cerro). Nous y avons rendez-vous avec Eddy Serrano et son fils, guide naturaliste ; ils sont accompagnés d’un petit groupe de touristes où je repère deux Suisses et un Français. La recherche du quetzal commence : c’est une zone rustique où forêt et prés sont fortement imbriqués ; il nous faut repérer les endroits où les avocatiers poussent en nombre : en effet, le quetzal raffole de ses fruits ; avec un peu de chance, on va le surprendre en plein petit déjeuner. A la queue-leu-leu, on marche dans un silence respectueux. On franchit une clôture pour arriver dans un vallon où les dernières ombres de la nuit s’évanouissent ; soudain, dans les premiers rayons du soleil, une trace rouge et verte décrit une courbe majestueuse dans notre champ de vision : contrairement à lui, nous ne l’avions pas vu. Il est maintenant bien installé sur une branche basse de son arbre favori, à flanc de colline ; il ne nous reste plus qu’à remonter sans outrepasser sa distance de sécurité… Peu à peu, en suivant les consignes du guide, on se positionne à une dizaine de mètres de notre oiseau de paradis : en pleine lumière, c’est un jeu d’enfant de l’observer, de le photographier ou de le filmer. Très calme, sur son arbre perché, il nous surveille de haut ; sa petite tête d’un vert vif affiche une belle coupe hérisson, le bec est jaune franc ; ce qu’on remarque tout de suite chez cet oiseau, c’est la queue : magnifique bien qu’apparemment peu fournie, elle s’étale sur une bonne soixantaine de centimètres ; lors des séquences de vol, plutôt courtes, elle prend plus de volume et lui fait comme une traîne d’un vert resplendissant ; on découvre alors que ses ailes nous cachaient des plumes blanches et un poitrail d’un rouge intense. Pour l’instant, notre quetzal profite de la douceur matinale du soleil ; il semble savoir que ses rayons encore légers mettent en valeur son plumage. Bientôt, avant que la chaleur n’assomme la campagne alentour, il prendra son envol et ira se réfugier au cœur d’un arbre touffu ; nous, on aura beau s’approcher, se tordre le cou, plisser des yeux pour tenter de le distinguer dans cet enchevêtrement végétal, on ne le verra pas : il sera devenu arbre.
Si admirer un quetzal en pleine nature vous intéresse, sachez qu’on peut assez facilement le rencontrer de Novembre à juin :
A Santa Elena (ou Monteverde) dans les forêts de nuages ; au sud-est de celles-ci, dans la Réserve biologique Albert Manuel Brenes de la petite ville de Zapotal : difficile à trouver, elle se situe 20kms au nord-est de Miramar ; administrée par l’Université du Costa Rica, elle est connue des amateurs d’ornithologie pour sa population de quetzals qui habite sa forêt tropicale d’altitude.Tél. : 2437-9906, site web : resbiol@cariari.ucr.ac.cr
Au cerro de la Muerte, dans le Parc national des Quetzals ou dans des propriétés privées comme celle d’Eddy SERRANO, dans le Parc national Chirripo
Dans les forêts près du volcan Poas.
Le corps du quetzal adulte mesure environ 35cm mais il faut lui ajouter jusqu’à 60cm de queue.
Ne supportant pas la captivité, il se laisse mourir si on le met en cage ; cela explique qu’il soit devenu le symbole de la liberté perdue pour tous les peuples d’Amérique centrale pendant la période coloniale. Aujourd’hui, c’est l’oiseau national du Guatemala.
Nos deux amies espagnoles ont aussi voulu visiter le Parc Manuel Antonio ; on y est donc retournés (voir le compte-rendu de notre première visite dans les archives de l’année ….). Alors que la fréquentation jusqu’à 10h était correcte, elle a très rapidement augmenté par la suite ; il faut dire qu’on était un Samedi et que les écoliers costaricains étaient encore en vacances ; on a pu ainsi vérifier par nous-mêmes que les familles ticas visitent leurs Parcs nationaux et en sont, à juste titre, fières. On a vu autant d’animaux que la première fois (paresseux, singes, ratons laveurs, iguanes, oiseaux et papillons) ; la seule nouveauté est qu’on a eu affaire à un voleur un peu spécial… On était sur l’une des quatre plages du Parc où l’on venait de se baigner ; chacun était occupé à se sécher quand apparut dans les arbres au-dessus de nous un petit groupe de singes ; l’un d’eux se laissa tomber sur un de nos sacs posés au sol, s’en saisit et remonta aussi sec dans les branches. On assista alors à une drôle de scène : Rosario, à genoux dans le sable, faisant appel aux meilleurs sentiments de son voleur : »Rends-moi au moins mes chaussures ! Moi, je ne peux pas marcher sans ; toi, elles te serviront à rien ! Allez, sois gentil, rends-les moi… ». Visiblement, le carablanca était impressionné par ce discours ; des yeux il cherchait l’appui de ses congénères puis regardait la suppliante, hésitant sur l’attitude à avoir ; tant et si bien qu’à un moment il laissa choir son butin ; je me précipitai et récupérai in extremis cet objet de toutes les convoitises : personnellement, je l’aurais bien laissé entre les mains simiesques tant il sentait fort…
Quand vous visiterez le Costa Rica, cet oiseau-là vous ne pouvez pas le rater : que cela soit en ville ou à la campagne, il suffit d’un massif de fleurs pour qu’il apparaisse ; insatiable, il les veut toutes et plonge tête la première en leur coeur ! cet hyperactif ne tient pas en place malgré son goût prononcé pour le vol stationnaire… Le colibri (puisqu’il s’agit de lui), c’est « le petit oiseau de toutes les couleurs « de Bécaud ; dans le pays, il en existe huit sortes dûment répertoriées auxquelles il faut ajouter une douzaine de minuscules volatiles que le commun des mortels classe comme colibris tellement ils leur sont proches ; le plus petit ne pèse pas 3 grammes alors que le plus grand atteint péniblement 15 cm (queue et bec compris évidemment). Certains passent leur journée suivant invariablement le même trajet parmi leurs fleurs préférées, d’autres se permettent quelques incartades au long du parcours… Le tiers d’entre eux (les plus gros, comme par hasard !) sont très possessifs et défendent jalousement leur territoire fleuri. En les voyant s’activer dans notre jardin de Tacacori, je repense parfois à une expérience les concernant dont je fus le témoin. Au tout début de Mars 2010, je me trouvais dans une réserve privée appelée Rara Avis (Oiseau Rare, pour les latinistes) près de Horquetas ; elle a la particularité d’être très isolée (on ne peut y accéder qu’à pied, à cheval ou en … tracteur tellement la piste à suivre est difficile) et de recevoir des étudiants américains en stage de fin d’études. Les colibris étant très nombreux dans cette “forêts de nuages”, une équipe avait eu l’idée d’étudier leur alimentation et leur comportement. Pour ce faire, ils avaient synthétisé le nectar des différentes fleurs présentes dans la zone sous une forme liquide ; sur une terrasse orientée plein sud, ils avaient disposé leurs abreuvoirs contenant chacun une boisson différente. Assis devant son tableau d’ordinateur, chaque étudiant devait repérer quel type de colibri venait s’abreuver, pendant combien de temps, quel était son comportement à l’égard de ses congénères… Dans quel but me direz-vous ? à observer le vol du colibrí, on peut raisonnablement penser qu’il a besoin d’un maximum d’énergie en un minimum de temps ; le nectar étant sa source d’approvisionnement, s’il découvre une fleur qui lui procure un meilleur rendement, il va la privilégier. Et maintenant, dans quel domaine l’être humain recherche-t-il l’efficacité physique maximum ? Le sport (oui, je sais, les sportifs en chambre en auraient cité un autre…). Amis sportifs, d’ici à ce que, dans quelques années, vous buviez le même nectar que les colibris, il n’y a qu’un battement d’aile…
Les Ticos ont voté Dimanche 2 Février pour élire leur Président de la République : alors qu’en 2010 ils avaient élu une femme (Laura CHINCHILLA) dès le premier tour, cette fois aucune ne s’est présentée. A travers les campagnes de pub et les débats télévisés que j’ai pu suivre, je retiendrai quatre thèmes qui préoccupent la société costaricaine :
*la sauvegarde des droits sociaux : aucun candidat ne dit qu’il va les diminuer car, ici, depuis Jose Figueres dans les années 50, c’est une tradition politique forte ; mais on a pu constater que le parti au pouvoir actuellement a déjà supprimé une dizaine d’ EBAIS (dispensaires de santé) alors que la population augmente, et qu’il a concédé au secteur privé la gérance d’hôpitaux publics : son nouveau candidat va-t-il continuer dans cette voie ?
*la lutte contre la pauvreté : aujourd’hui, sur 4.6 millions d’habitants, 300 000 vivent dans des conditions d’extrême pauvreté et 20% sont en-dessous du seuil de pauvreté du pays. Le salaire minimum moyen n’est que de 260 000 colones (382 euros). Bien que le pays le plus « riche » de toute l’Amérique centrale, le Costa Rica a vu sa situation empirer depuis le début de la crise internationale, et tous les candidats à cette élection peinent à proposer autre chose que la méthode Coué.
*Le recours aux entreprises étrangères : depuis une dizaine d’années, ce mouvement s’est accéléré sans justification objective. Exemple : le MOPT est l’organisme national chargé de construire les voies de circulation ; il sait bien le faire puisque dans le passé il a ouvert l’autoroute General Canas entre San Jose et Alajuela ou La Costanera entre Orotina et la frontière panaméenne, mais quand il s’est agi récemment de construire une route entre San Jose et Caldera le gouvernement a accordé la concession à une entreprise espagnole qui lui a fait payer le prix fort…
*L’étendue de la corruption : ce thème est intimement lié au précédent ; naguère, notre Alcatel français présenta le « pot de confiture » au gouvernement Rodriguez qui y plongea tête baissée : pour améliorer plus rapidement les télécommunications, il négligea de faire un appel d’offres… Plus près de nous, éclata le scandale de La Trocha : suite à un problème de limite territoriale avec le Nicaragua, le Costa Rica décida de créer une vraie route qui permettrait de mieux surveiller sa frontière nord et d’apporter tous les services de l’Etat à cette zone très peu peuplée. Ce qui s’ensuivit dépasse l’entendement : entreprises de transport qui travaillaient une semaine et faisaient payer le mois entier, matériaux fournis par l’Etat revendus à qui le voulait, infrastructures de dimensions bien inférieures à celles promises sur plans… Le seul coin de ciel bleu dans cet univers triste est qu’on a fini par trouver les coupables : Rodriguez et consorts firent de la prison, Alcatel fut condamnée en France, ceux de La Trocha seront bientôt fixés sur leur sort. Mais, pour deux affaires résolues, combien resteront dans les oubliettes ?
Quelques mots sur les candidats qui ont le plus de chance d’être élus :
- GUEVARA : contrairement à son patronyme, il n’a rien d’un révolutionnaire : il représente l’extrême droite dans ce qu’elle a de plus libéral (au niveau économique, s’entend !) mais n’a pas la teinte raciste que nous connaissons en France.
- PIZA : de la Démocratie chrétienne qui eut son heure de gloire au début des années 2000. Il semble avoir de la bonne volonté à revendre mais bien peu de moyens car son parti a trop déçu.
- ARRAYA : issu du parti qui donna au pays un niveau d’éducation et de santé enviable mais qui, depuis, s’est perdu dans les mirages du libéralisme.
-SOLIS : aboutissement politique réussi de diverses associations d’inspiration citoyenne scandalisées par les turpitudes politiques costaricaines.
- VILLALTA : représentant de ce qu’on pourrait appeler l’Union de la Gauche costaricaine. A pour lui de n’avoir jamais été compromis dans une quelconque affaire et une pêche pour dire les choses qui fâchent qui le rendent sympathique.
Comme dans toute campagne, il y eut des moments moins sérieux qui nous ont bien fait marrer : par exemple, quand Arraya (du parti actuellement au pouvoir) a sorti son affiche avec, simplement, ce cri du cœur « Contrateme ! » (Embauchez-moi !), ce que disent en vain des milliers de Costaricains chaque jour. Il n’a pas fallu longtemps aux humoristes et aux gens de la rue pour lui faire des réponses du genre : « Eh, mec, j’ai des poubelles à sortir et des chiottes à nettoyer pour 1000 pesos : tu le fais à ma place ? » ou bien : « Depuis le temps que tu n’en branles pas une, tu te décides enfin à chercher un travail honnête ! ». Devant l’avalanche de détournements, le candidat a préféré retirer son offre de service… L’autre affiche qui m’a bien plu est celle de Villalta parce qu’elle vise la corruption ; elle dit : » No tenemos ningun rabo que nos majen ! » ; pour comprendre, il faut savoir que « rabo » c’est la queue (du singe, par exemple) et que « majar » c’est appuyer fortement avec son pied pour empêcher quelqu’un de se dégager ; on peut traduire littéralement par : » Nous n’avons aucune queue avec laquelle nous retenir ! «. Explication : la queue, c’est le petit détail, le renseignement qui va mettre la puce à l’oreille de la justice et qui va lui permettre de découvrir le pot-aux-roses de l’affaire ; autrement dit : »Nous, nous ne sommes pas corrompus ! «. En bon français : « Nous n’avons pas de casseroles au cul ! ».
Le jour même de l’élection, il est assez surprenant pour nous de voir chaque candidat pouvoir s’exprimer encore à la télévision… Pour voter, pas de carte d’électeur : il suffit de se présenter avec sa carte d’identité au bureau de vote de son quartier ; les scrutateurs disposent de listes électorales comportant la photo et la signature de chacun des inscrits ; ils vérifient alors que la personne qu’ils ont en face d’eux correspond bien à la photo et lui demandent de signer. Tout se passe dans une atmosphère bon enfant : devant les bureaux de vote, chaque parti peut avoir son stand à côté de ses rivaux sans que cela dégénère ; dans les rues déambulent à pied ou en voiture des groupes brandissant des drapeaux différents dans une ambiance musicale joyeuse.
A 20h, le Tribunal Supérieur des Elections a donné les premiers résultats, portant sur seulement 10% des bulletins ; la soirée, sur les chaines de télé, a été constituée par des reportages sur la façon dont les différents partis vivaient l’élection entrecoupés des résultats officiels, mais pas par des débats. Trois heures plus tard, les 2 millions de votes (sur 3 millions d’inscrits) avaient été dépouillés ; ils donnaient le nouveau paysage politique costaricain. SOLIS arrivait en tête avec 31%, suivaient ARRAYA (30%), VILLALTA 17%, GUEVARA (11%), PIZA (6%) et les 5% restant se répartissaient entre les huit derniers candidats. L’arrivée du représentant du centre gauche devant celui du parti actuellement au pouvoir est une surprise pour la grande majorité des commentateurs ; elle souligne cependant la défiance croissante des Costaricains pour les partis de droite qui gouvernent le pays depuis… 50 ans ! Autre signe qui montre une évolution positive de la société costaricaine : alors que tous les Présidents (sauf Pacheco en 2002) ont été élus dès le premier tour, cette fois on aura une « segunda ronda » ; elle est prévue le … 6 Avril : d’accord, c’est un peu loin, mais sous les Tropiques on a autre chose à faire que batailler politique !
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