• Qu'est-ce qu'un Trapiche ?

          Les Ticos sont encore très attachés à l’époque où le pays était presque uniquement agricole ; ainsi, ils se souviennent des années 50-60 comme d’un « âge d’or » : ils en avaient fini avec leurs luttes intestines en supprimant l’armée ; tout le pays unissait ses efforts pour avoir un meilleur système éducatif, mettre au point sa Sécurité sociale et créer ses premiers Parcs Nationaux. Aujourd’hui, ils ont l’impression que la vie est plus difficile et vont visiter avec nostalgie les lieux qui témoignent de ce passé pas si lointain.

           J’en ai eu encore la preuve Dimanche passé en découvrant ce qu’est un « trapiche » : lieu où l’on extrayait le jus de la canne à sucre avant l’industrialisation. Et ne croyez pas que cela remonte à un siècle : le Papa de Mayela en possédait un. Notre « trapiche » est installé le bord d’une rivière parce qu’il utilise la force du courant pour extraire le jus de la canne (il arrivait qu’on se serve aussi de deux bœufs tournant en rond) : l’eau arrive avec force par un étroit canal de dérivation pour mettre en mouvement une roue à aubes ; celle-ci fait tourner deux cylindres cannelés disposés horizontalement entre lesquels un homme introduit les tiges de canne ; pressurées, elles produisent un jus blanchâtre qui, par un réseau de canalisations, s’écoule jusqu’à trois gigantesques marmites ; sous chacune d’elles, un foyer. La tige écrasée est mise à sécher ; elle sera utilisée une prochaine fois pour alimenter le feu qui chauffe le jus pendant presque deux heures ; il faut donc faire patienter les spectateurs qui, ce Dimanche, étaient environ quatre-vingts ; un animateur est prévu : il raconte des blagues, pousse la chansonnette et fait parler les plus anciens sur le Costa Rica d’hier ; c’est un festival de déclarations naïves, d’allusions grivoises et de folklore musical. On est entre Ticos ; je suis le seul étranger.

          Pendant ce temps, le jus de la canne à sucre s’est couvert d’une écume blanchâtre que des employés ont patiemment enlevée parce qu’elle emprisonne les déchets éventuels contenus dans le liquide. Enfin, le jus a pris une belle couleur caramel. Il faut maintenant vérifier qu’il a bien atteint la bonne température ; pour cela, nul besoin d’utiliser un banal thermomètre, la main convient beaucoup mieux… L’employé chargé de la besogne dispose près de lui un seau rempli d’eau froide, y plonge la main, se penche sur le chaudron bouillant et attrape au vol un morceau de la mixture qu’il s’empresse de refroidir dans le seau d’eau. « La miel », comme on l’appelle ici, doit rester molle et faire des fils quand elle est à point. On s’en met un peu partout mais c’est délicieux. L’employé retourne à la « pêche » autant de fois qu’il est nécessaire pour que chacun puisse goûter. Ensuite, on éteint le feu en l’aspergeant d’eau.

          A ce moment, peut commencer la fabrication des différents « produits » à partir de cette unique « matière première ». La « melcocha » par exemple : sur une espèce de long banc de pierre que l’on a préalablement refroidi au jet d’eau, on étale une fine couche de « miel » sur laquelle on saupoudre des amandes, des noix, des cacahuètes… ; elle se cristallise rapidement pour donner une écharpe de pâte qu’un employé va venir rouler en boule puis étirer et torsader en la suspendant à un crochet pour bien mélanger ses composants. Le « sobado » est un autre produit dérivé de la « miel » : on met la matière première dans de grands récipients plats où l’on ajoute du lait en poudre ; on mélange le tout vigoureusement avec une grande cuillère en bois pour donner une pâte plus claire et plus lisse que la « melcocha ». Enfin, toute la « miel » restant est convertie en « tapa de dulce » : imaginez un plateau de bois épais dans lequel ont été évidées des formes tronconiques identiques ; après avoir été humidifié, il va servir de moule ; on laisse refroidir la « miel » une journée ; quand on démoule, on obtient de petites pyramides rondes qui, naguère, étaient la seule source de sucre : avec un couteau, on faisait des « copeaux » à la demande pour sucrer le café, adoucir le jus de citron ou faire de la pâtisserie.

          Généralement, les touristes ne vont pas visiter ces lieux typiquement « ticos » ; les agences de tourisme pensent que cela ne va pas les intéresser… et pourtant, s’il existe des lieux où l’on ressent bien les valeurs auxquelles sont attachés les Costaricains (simplicité de l’accueil, goût pour le travail, joie communicative), le « trapiche » en fait partie.

    Renseignements pratiques et divers.

    + Ce lieu s’appelle « Hacienda de los Trapiches » ; il est situé à Santa Gertrudis Sur, près de Grecia, dans la province d’Alajuela. Sur Internet, on le trouve aussi sous le nom « américanisé » de Springer’s.

    + Tel. : 2494-1050 et 2444-6656.

    + Mail : lostrapiches@springerscr.com

    + Site Internet : www.haciendalostrapiches.com

    + Le lieu est ouvert tous les jours ; il comporte un bar-restaurant, une piscine, des sentiers pour se promener, deux petits lacs, des aires de pique-nique et de camping.

    + MAIS le « Trapiche » ne fonctionne que tous les Dimanches.

    + Autrefois, pour aider les bébés à mettre leurs premières dents, on leur pelait un morceau de canne à sucre pour qu’ils le mastiquent. Bien qu’étant sur le versant couchant de la vie, j’ai fait la même expérience et ai trouvé cela délicieux…

    + SAVEZ-VOUS que la canne à sucre peut pousser jusqu’à deux fois par an au même endroit ? ainsi, vous pouvez voir dans la campagne costaricaine des champs où elle commence juste à pousser, d’autres où elle est en fleurs, d’autres enfin où elle vient d’être coupée…

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